Facebook, on t’a à l’oeil !
Vraiment, je n’aimerais pas être Mark Zuckerberg. Ce geek génial a inventé l’un des trucs numériques les plus cool du XXIème siècle mais le jouet s’est transformé en monstre et on ne sait plus par quel bout le prendre.
En janvier dernier, après les émeutes meurtrières au Capitole, Donald Trump s’est fait “déplateformiser”. Autrement dit, éjecter des réseaux sociaux. Facebook, notamment, l’a blacklisté pour l’empêcher de continuer à appeler au désordre (le compte n’est pas fermé mais l’intéressé ne peut plus rien poster). Face aux réactions diverses et variées dans le monde entier, la direction du réseau social s’est dit “tiens, si on refilait le bébé à notre tout nouveau conseil de surveillance ?”. Pas bête. Créée fin 2020, le conseil en question(Oversight Board) est composé de personnalités extérieures à l’entreprise (juristes, ex-responsables politiques, journalistes, etc.) et est financé indirectement par Facebook mais est, en théorie, indépendant. Seulement voilà, le conseil vient de rendre sa décision très attendue. Et là, patatras. Le conseil dit en substance que 1/ le réseau social a eu raison de miouter (du verbe to mute, réduire au silence) ze President of ze United States mais que 2/ cela ne peut pas être définitif et qu’il faut fixer une date ou un critère de fin (du genre, s’il se tient bien on le reprend ?). Facebook a six mois pour régler le problème. Paf ! Le conseil renvoie la balle vers Facebook qui croyait s’en être débarrassée. En plus, l’oversight board demande à Facebook d’édicter des règles claires, applicables à tout le monde, pour ce genre de problème. Et que ça saute ! Pôvre Mark Zuckerberg qui pensait avoir trouvé une solution et qui se retrouve arrosé par son propre tuyau. Franchement, arrivera-t-on un jour à refaire de Facebook (et des réseaux sociaux en général) le jardin d’Eden qu’ils étaient au bon vieux temps du modem RTC ?
Et si c’était la faute à la télé ?
Pendant ce temps, cette semaine, j’ai eu le privilège d’être convié à assister à une rencontre en visioconférence entre Nick Clegg, ex vice-Premier ministre de Grande Bretagne et actuel vice-président de Facebook chargé des affaires publiques (j’avais interviewé Nick Clegg pour franceinfo en janvier après l’affaire Trump), et la numéricienne française Aurélie Jean, à propos des algorithmes. C’était super intéressant. Aurélie a interrogé le VP sur l’éternel problème des algorithmes qui enferment les utilisateurs dans des bulles de filtres. Elle distingue ce qu’elle appelle les “algorithmes explicites”, relevant de structures conditionnelles ou de modèles mathématiques, et les “algorithmes implicites”, relevant de l’apprentissage (machine learning). A cela, Nick Clegg a surtout répondu en bottant en touche de manière inattendue mais intéressante. Selon lui, Facebook ne serait pas seul responsable de la polarisation de la société mais ce serait aussi (surtout ?) la faute à la télé. Il a fait référence à cette étude de Stanford (accrochez-vous) qui montrerait que dans certains pays la polarisation était à la hausse avant que Facebook existe et que dans d’autres elle aurait diminué alors que l’utilisation de Facebook augmentait. Malin comme défense. C’est vrai qu’avec tout ce qu’on reproche en permanence aux réseaux sociaux on en oublierait presque la responsabilité, peut-être pas si anodine, des médias traditionnels.