Société

L’affaire Griveaux et Internet en 5 questions

L’incroyable affaire “dick pic” de Benjamin Griveaux, qui é-branle les fondements de la démocratie, pose une nouvelle fois la question du rôle et de la responsabilité des médias numériques.

1. Y’a-t-il un délit ? 

Oui, il y a de toute évidence un délit d’atteinte à la vie privée, qui est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 1 an de prison et 45 000 euros d’amende. Il y a aussi un délit de diffusion d’images sexuelles sans le consentement de la personne concernée (revenge porn), passible, depuis 2016, d’une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans de prison et 60 000 euros d’amende. Enfin, il y a peut-être un délit de piratage informatique, ayant permis la récupération des images, lequel est puni de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Les auteurs de ces faits peuvent être poursuivis. Les personnes ayant contribué à la propagation des images volées peuvent l’être également, au titre de la complicité.

2. Est-ce la faute de Twitter ? 

La vidéo n’a pas été publiée initialement sur Twitter mais sur le site Web créé du Russe Piotr Pavlenski. Cependant, Twitter a servi de caisse de résonance. Le lien vers le site ainsi que des copies écrans ont été diffusés par des personnalités, puis, par de nombreux internautes, parfois non identifiés. Twitter promet depuis longtemps de lutter contre le revenge porn. La plateforme semble avoir fait le ménage parmi les tweets. Reste qu’il n’est pas forcément facile, techniquement, de filtrer à 100% de tels contenus. C’est peut-être la raison pour laquelle Twitter est soupçonné d’avoir carrément censuré le nom de Benjamin Griveaux, avant même l’explosion de l’affaire, le 13 février au soir.  

3. Faut-il interdire l’anonymat sur les réseaux sociaux, comme le réclament des personnalités ?

A priori cela n’a rien à voir puisque, encore une fois, les images ont été publiées sur un site Web. Sauf que l’anonymat favorise probablement le sentiment d’impunité et contribue ainsi à la propagation massive de ce type d’images à travers les réseaux sociaux. Dans le cas présent, il y a eu des messages d’anonymes mais aussi de personnes parfaitement identifiées. Dans tous les cas, rappelons qu’il n’y a pas d’anonymat mais seulement un pseudonymat sur les réseaux sociaux. En effet, la justice peut toujours retrouver des internautes via leurs identifiants de connexion et leurs adresses IP. 

4. Le site Web en question peut-il être effacé ? 

Il est toujours difficile d’obtenir la fermeture d’un site Web, surtout si celui-ci est hébergé à l’étranger. Cela dit, le site en question, Pornpolitique.com, ne semble plus être en ligne à l’heure actuelle (sabordé par son propriétaire ou bloqué par un tiers ?). Une copie aurait toutefois été conservée par Internet Archive, un service qui enregistre automatiquement tous les sites Web. A défaut, de pouvoir faire disparaître un site, il est possible de demander son déréférencement auprès des moteurs de recherche si celui-ci contient des contenus illicites.

5. Y’a-t-il une faute de Benjamin Griveaux ?

Les images concernées ne sont pas illégales en elles-mêmes. Cependant, à l’heure du numérique et des réseaux sociaux, la frontière entre vie privée et vie publique est de plus en plus perméable. Le risque est grand que des images intimes, même envoyées à un contact privé, se retrouvent dans la sphère publique (par exemple, après une dispute ou un piratage). Alors que les mises en garde se multiplient, notamment auprès des jeunes, on pourrait s’attendre à ce qu’un adulte, homme politique exposé de surcroit, fasse preuve de prudence et ne tombe pas dans ce genre de piège. Sans compter que lorsqu’il s’agit d’un membre de la majorité présidentielle, une manipulation n’est jamais à exclure.

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